Savoir découvrir la vérité qui bouillone au-dedans de ma sœur

La revue Vie Religieuse publia le 14 janvier dernier un article de Dolores Aleixandre, avec le titre  « Compostura » qui n´est peut-être pas étrange à nous non plus et peut nous aider à penser si en vérité nous vivons cette même réalité en notre propre personne, en nos communautés. Nous venons de célébrer le 2 février la Journée de la Vie Consacrée et il nous semble intéressant de faciliter cette réflexion en notre page. Vivons à fond cet accompagnement mutuel que nous sommes en train de travailler dans notre Projet « Croissance et Transformation » et que, sans doute, nous facilitera pressentir ce qui se passe au profond du cœur de celles qui vivent à côté de nous, au-delà des apparences, de l´accomplissement des normes, de cette « compostura » dont parle l´auteure. Voici ce que dit Dolores Aleixandre :

« Je suis allée avec ma communauté à une recollection pour faire le projet communautaire de l´année et, aux alentours du village où nous étions il y avait un peuplier énorme tombé près du chemin. Il avait dû tomber la veille puisque ses branches étaient pleines des feuilles vertes, même si le tronc était creux et les racines en l´air. Cette image m´est revenue en entendant un commentaire sur la sortie d´une religieuse jeune : « Et cela a surpris sa communauté qui n´avait rien remarqué qui puisse le faire penser que la sœur traversait une crise ». L´association avec l´arbre tombé semble évidente : cette jeune sœur ressemblait à un tronc creux qui ne recevant pas la sève des racines, n´avait pas de consistance et s´est effondré. Point final. Et nous restons tout à fait tranquilles.

Et, s´il y avait d´autres explications possibles, même si elles sont moins commodes ? Comme nous demander, par exemple, si le tronc creux ne serait pas cette communauté, tellement myope qu´elle est parvenue à ne pas détecter aucun signe d´alarme  chez l´un de ses membres. Une autre variante possible : détecter en nous les symptômes de ce  « postureo) » (bien se tenir) qui tente toujours à la vie consacrée : une habilité générée à l´appui des structures qui nous permettent de nous comporter extérieurement avec toute correction, selon les  « codes convenus », les habitudes acquises, les horaires accomplis et quelques phrases stéréotypées. Une vie en plastique, adaptée et ordonnée, comme le ruban propre et lisse qui signale la page des vêpres de la deuxième semaine. Cela « au dehors ». Au-dedans, bouillonne peut-être un monde parallèle: ce qu´en vérité nous pensons, nous sentons et nous désirons, caché dans les recoins, jusqu´au jour où «  il sort de l´armoire » et les autres le voient. C´est une possibilité « de toujours » , pour laquelle le Nouveau Testament emploie l´adjectif dipsichós, « personne à deux esprits », double, divisée (Jacques 1,8).

La menace est accentuée à notre époque, au milieu de tant des processus de restructurations, fusions et réajustements en route. Immergés en cette agitation, pointe une question essentielle : Qu´est-ce qui se passe en réalité avec les sujets restructurés, ré-configurés, unis, fusionnés ou réajustés que nous sommes ? Parce que, ce qui compte en réalité, avec tant de bazar est si chacun est en train de recevoir ou pas, la sève de vie et de sens dont il a besoin pour vivre.

Dans la rencontre de Zachée avec Jésus apparait d´une certaine façon la duplicité : « Seigneur, la moitié de mes biens je la donne aux pauvres… » Le commencement de l´année est une bonne occasion pour nous demander ce que chacun est en train de faire avec cette autre « moitié » qu´il se réserve. Parce que, tout au long de notre vie nous avons sans doute été en train de donner, avec une édifiante « correction » la moitié de ce que nous sommes et nous avons, mais, n´aurons-nous pas, là dans le profond, une autre moitié que nous cachons encore ?

La présence du Hôte qui se faufile chez nous, nous rend possible saluer avec confiance ces « agents de diminution » qui sont en train de frapper à notre porte et se faufilent par notre  toit.  Il suffira que nous consentions, ne soit qu´un peu, à leur travail, ils se chargeront de nettoyer ces recoins de duplicité où nous nous réfugions, et nous presseront à donner aussi cette autre moitié que nous essayons de retenir avec tant d´avidité.

Qu´il serait bon de nous décider à la jeter par la fenêtre, et avec elle aussi les restes d´une si trompeuse et  sotte « correction ».

Dolores Aleixandre – Revue Vie Religieuse (14 janvier 2021)

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